La leçon d'humanité de Gino

Par Vololona Rabeharisoa, Michel Callon
Français

Résumé

Les récentes recherches consacrées aux maladies génétiques ont participé à la construction d'arènes publiques où se discutent des choix qui engagent la vie privée. L'identification des gènes responsables de certaines maladies graves, la mise au point de tests permettant d'identifier les individus porteurs de ces gènes ont en effet contribué à placer les individus concernés devant des décisions morales qui sont d'autant plus incontournables que les savoirs et les techniques disponibles sont largement répandus et diffusés. Cet article, qui considère la situation d'entretien comme un dispositif de construction d'une arène publique, présente le cas d'un malade réunionnais, atteint de dystrophie des ceintures, qui refuse de comprendre les leçons de la génétique et de s'intégrer aux réseaux médicaux et associatifs qui mettent en œuvre et diffusent ces connaissances. Ce refus met en évidence le dilemme auquel est confronté ce malade : participer à l'espace public mais en accepter les contraintes ; refuser d'y entrer mais courir le risque de n'être pas considéré comme un sujet autonome, libre et responsable. En utilisant les définitions de l'humanité et de la moralité présentées par François Julien dans son commentaire de Mencius, les auteurs proposent de considérer que le refus d'entrer dans l'espace public correspond au choix d'une autre forme d'humanité. A titre programmatique, quelques enseignements sur le rôle possible des sciences sociales dans la (dé)construction de l'espace public sont suggérés.

Voir l'article sur Persée