De l'objet technique a l'utopie sociale

Par Georges Ribeill
Français

Cette contribution entend dégager quelques facteurs fondateurs et structurants de l’imaginaire technologique de l’ingénieur civil tel qu’il rayonne au XIXe siècle : un ingénieur créatif, inven eur, spéculatif, souvent émancipé de toute orthodoxie académique, voué dans un milieu concurrentiel à l’autopromotion de ses projets intellectuels et réalisations matérielles. Pour cela, un échantillon représentatif de six ingénieurs à été retenu que, par leurs carrières et leurs inventions, l’on ne peut qualifier de marginaux dans leur milieu. L’examen de leurs œuvres aux statuts divers (livres, brochures à compte d’auteur, prospectus, etc.) révèle leur penchant, au nom de la « loi de l’irrépressible progrès » et en vertu de leur fécond inventivité – moteur gratuit, énergie ou matériau nouveau, etc. –, à défaire tout ce qui a été fait avant eux et à rebâtir une meilleure cité pour tous : du mieux au meilleur des mondes, le pas est vite franchi vers la nouvelle cité idéale promise. Si la construction utopique n’est pas toujours explicitement reconnue ou achevée, du moins constitue-t-elle en filigrane le penchant naturel, l’horizon asymptotique des spéculations de nos ingénieurs.