Télématique et configurations d'acteurs : une perspective européenne

Par Thierry Vedel
Français

Résumé

Cet article se propose de comprendre les raisons pour lesquelles les trois grands programmes de vidéotex européens (Télétel en France, Prestel en Grande-Bretagne et Bildschirmtext en RFA) ont abouti, malgré la proximité de leurs objectifs initiaux, à des résultats nettement contrastés. Le développement du vidéotex peut s'analyser dans les termes d'une configuration sociotechnique, entendue à la fois comme un mode d'articulation entre plusieurs techniques et comme un mode de coopération entre différents partenaires. Chaque pays a construit cette configuration selon des options particulières, en fonction de ses spécificités propres (environnement technologique, relations État-industrie, structures sociopolitiques, etc.). Deux de ces options nous ont paru exercer une influence déterminante sur la formation d'une demande à l'égard du vidéotex : d'une part, la conception et le type de diffusion des terminaux et, d'autre part, l'architecture du réseau et les modalités de l'offre des services. Se démarquant des analyses traditionnelles consacrées aux politiques publiques, cet article propose par ailleurs une approche en termes d'écologie des jeux. Cette approche consiste à identifier les enjeux autour desquels se structure le déroulement d'une politique donnée. Ainsi, les programmes de vidéotex européens ont-ils recouvert au moins trois jeux de nature différente : un jeu de télécommunications, un jeu industriel et un jeu de médias. La façon dont ces jeux se sont mutuellement influencés et articulés — c'est-à-dire leur écologie — explique une grande partie de la dynamique différentielle du vidéotex dans chaque pays. Enfin, un examen du rôle joué par l'État permet de dépasser l'interprétation simpliste qui attribue les succès observés en matière de vidéotex à la pratique de subventions publiques. Si la puissance publique peut exercer un rôle moteur dans le développement du vidéotex, c'est surtout en coordonnant la mise en place d'une filière. Mais cette fonction de coordination pourrait tout aussi bien être assurée par une grande entreprise privée.

Voir l'article sur Persée